Joli printemps
C’est le printemps ! Youpi printemps joyeux !
« 2022, ce sera mieux » mon cul sur la commode ouai, on quitte une guerre pour une autre.
Le Covid disparait comme par magie après deux ans de restrictions plus ou moins tordues. Il disparait comme un espion américain pris dans les filets du KGB. Direct au goulag le Covid, non mais, c’est bon quoi !
Je ne sais pas si les blagues sur les russes sont de très bon gout en ce moment, mais comme le disait notre cher ami Desproges on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui. Alors, promis je ne raconterais pas cette blague à Vladimir Poutin .
Ayant fait un pause la semaine du début de la guerre, je dois avouer que le contact avec la réalité hors du centre a été un peu brutal.
J’étais dans un petit airbnb mignon bobo dans la 4eme plus grosse ville de Pologne : Wrocław.
La ville est magnifique, colorée et pleine de petits lutins à chercher dans toute la ville. Pour mes amis polonais, c'est souvent la ville qu'ils me citent comme leur préférée. Moins touristique que Cracovie, plus jolie que Varsovie, culturelle et jeune.
Wrocław se prononce « Vrossouaf » et je galère encore aujourd’hui avec sa prononciation. Comme je galère avec environ 98% des mots polonais. C’est une ville très belle mais j’avais juste oublié que même en France, je ne vais plus dans les grosses villes car ça m’oppresse très rapidement. Alors imaginez dans un pays dont je ne maitrise pas la langue et juste après quelques semaines coupé du monde à méditer et faire la cuisine…
Donc quand j’arrive dans cette barre d’immeuble style vieux bloc communiste et que je vois tout ce monde, je me sens soudain très seule et j’allume la télé polonaise. Je reste scotché devant les images de la guerre sans en comprendre le traitre mot. Ce séjour me plonge dans une solitude profonde et je ne vais au centre-ville que deux fois dans la semaine tellement ça me coute de prendre les transports au milieu de tous ces polonais affairés.
Ça me rappelle la sensation que j’avais quand j’habitais à Paris et que je ne me sentais pas bien. J’allais prendre l’air en me baladant dans les rues parisiennes mais ça ne faisait qu’accentuer ma solitude et ma mélancolie. Tout ce béton sans âme et ces gens occupé me plongeait dans un mal être crasseux.
Ce n’est que plus tard quand j’ai déménagé hors de Paris que j’ai réalisé que c’était au contact de la nature, de la forêt, d’une rivière que je rechargeais vraiment les batteries.
Alors ni une, ni deux, je décide de ne pas rentrer tout de suite au centre de méditation et de prendre une petite chambre chez l’habitant à l'orée de la forêt.
Quelle bonne idée j’ai eu là. Une petite pension comme il appelle ça en Pologne avec cuisine commune, petite chambre mignonne et kitch. Tout est super propre et la propriétaire est super sympa bien qu’elle ne parle pas un mot d’anglais. Quand j’arrive, sa nièce est là avec toute la famille pour le repas dominicale. Elle me fait donc la visite dans un français parfait, la classe.
La connexion internet ne marche pas du tout, au début ça m’agace puis après avoir pleuré comme un gros bébé toute la nuit je me rends compte que ça me fait du bien finalement (je vous parlerais de mon addiction à Facebook un autre jour).
Je me balade dans cette forêt de pins planté par l’homme que je trouve magnifique autant que superficielle mais quand même un petit peu plus magnifique que superficielle.
J’ai un peu peur de me faire courser par des sangliers polonais aussi donc je reste quand même sur mes gardes. C’est marrant mais même dans une forêt silencieuse et vide de monde j’ai peur de gêner.
Je n’ose pas danser, chanter à mon aise de peur qu’un mec débarque pile au moment où je me lâche sur la danse des canards. Je me demande alors ou est-ce que je pourrais me sentir libre dans le monde au moins une fois sachant que même dans une forêt polonaise sans âme qui vive je flippe d’être dérangé ou de déranger. Mais fermons là cette parenthèse ego/psy/philo du jour.
Quand je suis arrivée la route pour accéder à la maison était en terre battue et durant ma semaine la-bas des ouvriers ont fait une route goudronnée, émue d’assister à ça, je réalise une tresse en cactus et me fouette 45 fois le dos en récitant des recettes de cuisine en polonais.
Il est finalement temps de rentrer à la maison et je ne suis pas mécontente de retrouver le centre et ses occupants.
Quand j’arrive un cours se finit tout juste, j’aide à démarrer la cuisine du cours suivant. Entre temps Dominika une nana de l’équipe qui gère le centre (elle s’occupe de tout ce qui concerne la cuisine et elle habite à 2 minutes du centre avec son mec et ses enfants) me demande si ça serait possible que j’aide Tomek au management du centre. Une fois passé la fierté de mon ego de se dire que c’est grave la classe qu’on me propose ça, je commence à me demander si je ne vais pas décéder avant l’heure.
Dans ce centre ou j’aide en cuisine, je fais les lessives en inter-cours car je suis la seule nana en long terme (ouai, le partage des taches ce n’est pas encore vraiment ça) et maintenant en aidant Tomek à faire les inventaires pour acheter la nourriture pour les cours de méditation.
Finalement j’accepte car Tomek va participer à un cours de méditation avril et qu’il n’y a personne pour le remplacer.
Quelques jours plus tard, il n’y a plus du tout d’eau au centre.
Imaginez le tableau : il y a une soixantaine de méditants en silence qui se demande pourquoi tout d’un coup il n’y a plus d’eau. Une nuit passe, puis une journée. On commence à se demander comment on va faire pour les douches et la logistique si ça continue. Pour les toilettes, ils ont déjà mis à disposition des sauts d’eau mais à envisager sur 10 jours ça tire. Je vais en ville en urgence avec Vladimir mon pote russe pour acheter du pain et peut-être 150 bouteilles d'eau. Heureusement, le problème est vite résolu et tout rentre dans l’ordre pas besoin d'acheter de l'eau en bouteille. Ça tombe bien car Vladimir est malade et à besoin qu'on aille par deux fois en urgence à Mcdo pour qu'il puisse se soulager. Épique!
Moi je tombe super malade le lendemain et la semaine suivante je reste dans ma chambre car je suis vraiment pas bien. Tomek m’enchaine le pas et une nana de l’équipe de cuisine aussi… Covid or not covid on ne saura jamais.
Entre temps le printemps est arrivé, il y a des fleurs partout et le soleil brille pendant plusieurs jours. Cependant, le froid est encore bien présent et bien que nous ne soyons pas encore en avril, je garde bien en tête l’adage de nos grand-mères. Pas envie de retomber malade.
Présentement, j’écris mon article en culotte après avoir été faire un tour au sauna de l’hôtel ou je me trouve pour quelques jours de repos. Demain j’irais faire un petit tour aux Thermes de la ville histoire de me faire du bien au corps et à l’esprit avant de reprendre du service pour quelques semaines encore au centre. Mi-avril je pars vadrouiller un petit mois en Pologne puis je reviens pour participer à un cours de vingt jours en silence au centre avant de reprendre la route en juin vers le pays du camembert et de la baguette en passant par le pays de la pizza et de la mozzarella.
Beaucoup de gens me demande si je ressens les échos de la guerre ici en Pologne. Le centre étant loin de la frontière ukrainienne et coupé du monde, je suis en contact avec la guerre uniquement par les polonais qui arrivent au centre et me racontent leurs quotidiens et leurs ressentis.
Je suis aussi en contact avec la guerre par mon ami ukrainien Volodymyr. Nous étions ensemble en cuisine au centre de méditation et il est retourné chez lui trois jours avant le début de la guerre. Il nous a envoyé un mail nous expliquant l’horreur de la guerre. Il a pris les armes, lui papa de 4 petits garçons vivant dans un éco-village avec sa femme. Ils accueillent beaucoup de réfugiés ayant perdu leurs maisons et commencent à manquer des biens de première nécessité. Il fait appel à nous pour l’aider financièrement car les aides humanitaires sont débordés.
J’ai donc crée une cagnotte en ligne pour l’aider. Ce n'est pas grand chose par rapport à ce qu'ils vivent mais la goutte d'eau, le colibris tout ça. Si vous voulez participer n’ayez pas d’hésitation même un petit geste peu aider beaucoup en temps de guerre.
Ce contact si direct et violent avec la guerre m’a fait toucher d’un peu plus près ce qui se passe en Ukraine. J’ai pleuré pour lui, j’ai pleuré pour sa famille, j’ai pleuré pour ses voisins, j’ai pleuré pour son pays, j'ai pleuré pour tout les pays en conflits. J’ai pleuré de me rendre compte que pleurer ne changerait rien. J’ai pleuré de voir la différence de traitement entre des réfugiés qu’on accueille à bras ouvert et des migrants qu’on n’accepte pas au point de les laisser se noyer sous nos yeux, j’ai pleuré l’humanité, j’ai tellement pleuré que les rues sont devenues des rivières et que j’ai construit un bateau pour voyager vers un continent qui n’existe pas, pas encore et puis ...
Et puis le printemps est arrivé avec la fragilité des pétales de fleurs explosant de couleurs belles comme l’espoir que tout change, que tout recommence, que tout s’écrit maintenant.
Je vous envoie pleins d’Amour et de Paix pour ce printemps vivant .
Na razie (A bientôt)
Ps: Vous pouvez toujours m'écrire des lettres jusqu'à juin. Je vous répondrais avec joie et créativité. C'est un bonheur joyeux.
Mon adresse : Julia Göhler, Dhamma Pallava – Vipassana meditation center, Dziadowice 3a, 62-709 Malanow, Pologne/Polska
Pps: Vous pouvez aussi vous abonner au blog pour savoir quand je mets des articles en ligne, pour encore plus de fun et de rigolades dans votre vie! ;)
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